Entamé il y a vingt-cinq ans avec Laissons Lucie faire !, le parcours d’Emmanuel Mouret l’a vu s’affirmer en chroniqueur aussi inlassable qu’inspiré du sentiment amoureux. Ainsi encore dans Trois amies, son douzième long métrage, qui orchestre une série de variations sur ce thème immuable au pied de la basilique de la Fourvière, à Lyon. C’est là que l’on découvre Joan (India Hair), prof de lycée culpabilisant de n’être plus amoureuse de Victor (Vincent Macaigne), son compagnon, et de ne pas le lui dire. Scrupules dont l’exonère son amie Alice (Camille Cottin), engagée dans une relation rassurante mais sans passion avec Eric (Grégoire Ludig), Eric dont elle ignore toutefois qu’il est le « Monsieur X » de Rebecca (Sara Forestier), personnalité un brin fantasque complétant le trio d’amies. Le début d’un ballet sentimental qui va prendre un tour dramatique quand Joan annonce à Victor vouloir le quitter.
A l’instar d’Eric Rohmer ou de Woody Allen, Emmanuel Mouret compte parmi ces réalisateurs dont l’univers est immédiatement identifiable. On mentirait donc en parlant de surprise à la découverte de Trois amies, constat qui n’ôte rien au charme enivrant du film, divertissement virevoltant où l’auteur de Chronique d’une liaison passagère radiographie, l’air de rien, la figure du couple le temps d’un marivaudage combinant légèreté et gravité. Mouret aime les mécaniques de précision – ce n’est pas pour rien qu’il cite Buster Keaton -; son travail d’orfèvre s’appuie sur un scénario millimétré et des dialogues finement ciselés, qualités littéraires qu’il transcende par son sens du rythme et du mouvement, sans même parler d’une impeccable direction d’acteurs. De quoi entraîner le spectateur, guidé par une voix off, au coeur d’une irrésistible ronde des sentiments aux accents tour à tour tendres, cruels ou mélancoliques.
Trois amies
Comédie dramatique d’Emmanuel Mouret. Avec India Hair, Camille Cottin, Sara Forestier.