The Florida Project puis Red Rocket, ses films les plus récents, ont imposé Sean Baker en cinéaste de l’Amérique de la marge. Une veine que confirme aujourd’hui Anora, son huitième long métrage et sans conteste le plus abouti, qui débarque d’ailleurs auréolé de la Palme d’or du dernier festival de Cannes. Le réalisateur new-yorkais y trace le portrait d’Anora – diminutif Ani – (Mikey Madison), travailleuse du sexe dans un club de Manhattan à qui son patron demande un soir de prodiguer des services particuliers à un jeune client en raison de sa connaissance du russe. Petite cause, grands effets, Ivan (Mark Eydelshteyn), le fils fortuné d’oligarques russes, la relançant aussitôt pour l’inviter dans sa somptueuse villa de Brooklyn avant de l’engager comme escort à la semaine puis de l’entraîner à Las Vegas où les deux tourtereaux se marient. Un conte de fées virant à l’aigre pour Ani lorsque, informés des frasques de leur rejeton, les parents décident d’y mettre le holà, se préparant à débarquer de Moscou non sans avoir au préalable envoyé leurs hommes de main – un trio de bras cassés – tenter de ramener le couple à la raison…
Pretty Woman croise Cendrillon devant la caméra de Sean Baker, qui signe avec Anora une fantaisie pop au goût acide. Sous le clinquant, la critique sociale affleure, tandis que l’euphorie se dissipe dans un thriller burlesque survolté avec l’intervention des trois nervis – les imparables Karren Karagulian, Yura Borisov et Vache Tovmasyan -, entre home invasion foireuse et traque insensée du côté de Coney Island. Baker a la mise en scène nerveuse même s’il ne fait pas l’économie de quelques longueurs, son film évoque parfois le cinéma sous haute énergie des frères Safdie, la composition sensationnelle de Mikey Madison achevant de faire de ce portrait d’une héroïne en quête d’émancipation une ébouriffante réussite.
Anora
Comédie romantique de Sean Baker. Avec Mikey Madison, Mark Eydelshteyn, Karren Karagulian, Yura Borisov.
