Après l’inceste

Zelda Samson

Lauréat de sept Magritte, Dalva, l’épatant premier long métrage d’Emmanuelle Nicot qui ressort ce mercredi sur les écrans est de ces films qui bousculent. Un postulat affirmé d’emblée, dans le chaos et la confusion présidant à une intervention policière au domicile d’un homme, emmené dans la nuit tandis que sa fille s’époumone « Laissez-le! ». Cette enfant, c’est Dalva (Zelda Samson, époustouflante), douze ans, mais un maquillage, une coiffure et des vêtements de petite femme, celle qu’avait façonnée son père incestueux dont elle vient d’être séparée.

Une situation qu’elle n’accepte pas plus qu’elle ne la comprend, alors qu’elle est conduite dans un foyer pour mineurs de Givet afin d’y être prise en charge. Cadre qu’elle ne songe d’ailleurs qu’à fuir, révoltée contre ceux qui l’ont arrachée à un homme avec qui elle vivait seule depuis des années et qu’elle aimait inconditionnellement, martelant qu’il ne lui avait « jamais rien fait de mal ». Et de se murer dans le déni, tant face à Jayden (Alexis Manenti), son éducateur référent, que face à Samia (Fanta Guirassy), une adolescente au parcours tumultueux et au caractère bien trempé dont elle partage la chambre; le début d’une trajectoire délicate où il va lui falloir apprendre à se libérer de l’emprise pour pouvoir renouer avec son enfance et écrire sa propre histoire.

Cet itinéraire douloureux, Emmanuelle Nicot a voulu en faire « un cheminement vers la lumière ». Son film, elle le situe après l’inceste, à l’abri du voyeurisme mais sans en occulter l’impact traumatique. Pas plus qu’elle ne se fait faute de démonter, tout en finesse, les mécanismes de l’emprise, au coeur de ce qui est aussi une expérience de cinéma viscérale. Filmé caméra à l’épaule, Dalva se déploie à hauteur de son héroïne, dont il épouse le point de vue exclusif, le recours au format 4/3 soulignant fort à propos son sentiment d’étouffement. S’ensuit un portrait à vif, quelque chose comme un récit d’apprentissage à rebours où il s’agirait de déconstruire la femme fabriquée pour retrouver le naturel de l’enfance, trajet oscillant entre trouble et innocence auquel Zelda Samson apporte une stupéfiante vérité. La révélation de la jeune comédienne se double de celle d’une cinéaste qui livre ici un premier film auquel la rigueur de son approche comme la sobre vigueur de sa mise en scène confèrent une force peu banale. Non sans esquiver avec brio les écueils du film à thème pour livrer une oeuvre vibrante, drame inscrit dans un réel âpre avec la reconstruction en ligne de mire.

Dalva

Reprise. D’Emmanuelle Nicot. Avec Zelda Samson, Alexis Manenti, Fanta Guirassy.

cote: 4/5

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