Plutôt trois ans et demi derrière les barreaux que vingt-cinq d’incarcération au travail. Tel est peu ou prou le raisonnement suivi par Moran, un employé de banque qui, afin d’échapper à la morne routine de son quotidien, décide de braquer l’établissement de Buenos Aires qui l’emploie, et de dérober la somme qu’il aurait gagnée jusqu’à la retraite. Tout au plus s’il double la mise, histoire d’embarquer dans la combine Roman, un collègue non moins transparent, qui devra veiller sur le magot pendant qu’il purgera sa peine. Un plan imparable en apparence, mais dans lequel va s’inviter l’imprévu, quelque part du côté de la sierra de Cordoba, où Roman est parti enfouir l’argent, non loin de la prison où est détenu Moran…
Faux film de casse, Los Delincuentes est par contre une ode véritable à la liberté, celle à laquelle aspirent ses protagonistes entendant s’affranchir de l’aliénation capitaliste, comme celle qui infuse un récit se détournant bientôt de l’objet du larcin pour prendre la tangente. Et d’adopter la forme d’une fugue stimulante, s’égayant de rencontres – Norma et sa soeur Morna – en allers-retours temporels; de digressions sinueuses en réflexions sur le sens de l’existence; d’échappées bucoliques en envolées poétiques – voir la scène lumineuse autour de La gran salina, de Ricardo Zelarayan. Avec encore ce qu’il faut d’humour et d’ironie. Inventif, ludique, réflexif, Los Delincuentes musarde avec bonheur entre comédie (noire) et thriller philosophique, à quoi la mise en scène inspirée de Rodrigo Moreno apporte l’air de rien un surcroît d’ampleur. Ou du cinéma comme une aventure.
Los Delincuentes
Thriller philosophique. De Rodrigo Moreno. Avec Daniel Elias, Esteban Bigliardi, Margarita Molfino.