De Selma, où elle revenait sur un moment clé de la lutte pour les droits civiques, au documentaire The 13th, plongée dans le système carcéral américain comme révélateur des inégalités raciales, Ava DuVernay s’est imposée en tenante d’un cinéma engagé questionnant le racisme systémique aux Etats-Unis. Il n’en va pas autrement aujourd’hui de Origin, essai ambitieux inspiré du best-seller Caste: the Origins of Our Discontents, de la journaliste Isabel Wilkerson, une étude où cette dernière élargit la notion de racisme à celle de castes.
L’autrice, qu’incarne avec brio Aunjanue Ellis, la cinéaste en fait le personnage central de son film, l’accompagnant tout au long des recherches qui mèneront à l’écriture de son livre. Le récit s’ouvre par une nuit tragique de février 2012, lorsque Trayvon Martin, un jeune homme noir de 17 ans, est abattu par un vigile d’une résidence fermée de Sanford, en Floride, au seul motif d’avoir eu un comportement « suspect » en traversant un quartier blanc. Pour Wilkerson, le racisme constitue une explication certes commode mais néanmoins insuffisante à cet acte. Et de poursuivre sa réflexion, trouvant dans le concept de castes et les hiérarchies qu’elles imposent, les mécanismes sous-tendant la discrimination systémique sévissant aux Etats-Unis. Démonstration étayée de connexions avec les lois antijuives de l’Allemagne nazie, mais aussi la persistance des castes en Inde.
Glissant habilement entre les concepts, les époques et les lieux, DuVernay réussit à donner aux arguments de Wilkerson une expression cinématographique, même si parfois (fort) didactique. Dommage toutefois que, histoire sans doute de rendre la matière moins aride, elle s’appesantisse plus que nécessaire sur les drames intimes à répétition ayant endeuillé la vie de la journaliste, lestant un propos passionnant d’une touche mélo pas franchement indispensable…
Origin
Drame historique. De Ava DuVernay. Avec Aunjanue Ellis, Jon Bernthal, Niecy Nash.