Un temps suspendu

Alba Rohrwacher

Trois ans après Un autre monde, le film qui ponctuait sa trilogie sur le monde du travail, Stéphane Brizé renoue, dans Hors-saison, avec la fibre intime de son cinéma. Le réalisateur de Mademoiselle Chambon y orchestre les retrouvailles inopinées d’un couple s’étant séparé quinze ans plus tôt, quand Mathieu (Guillaume Canet) avait quitté Alice (Alba Rohrwacher), chacun ayant refait sa vie depuis, et laissé au temps le soin de cautériser les plaies. Un équilibre chahuté lorsque le premier, acteur célèbre traversant une crise existentielle, vient suivre une thalasso dans la petite cité bretonne endormie où la seconde est professeure de piano, leurs routes se croisant à nouveau fortuitement, les amenant à rouvrir le chapitre des non-dits…

Un homme et une femme, dans une station balnéaire désertée, Hors-saison a incontestablement de petits airs de déjà-vu. Mais si le film rejoue une partition en apparence classique, Stéphane Brizé réussit à y apporter une touche éminemment personnelle. Il y a bien sûr la délicatesse avec laquelle il met en scène cette rencontre, avec le flux de sentiments contradictoires qui affleurent; la manière aussi qu’a le cinéaste de brouiller les pistes, infusant le romanesque d’éléments quasi documentaires; la légèreté qu’il veille à préserver à son propos, bien aidé par un Guillaume Canet jouant avec doigté de l’auto-dérision. Et enfin l’humeur mélancolique qui préside à ce mélodrame feutré écrit à rebours du sentimentalisme et de la mièvrerie. A quoi n’est évidemment pas étrangère la présence toute de grâce fragile d’Alba Rohrwacher, d’une bouleversante et profonde justesse dans l’expression des émotions les plus diverses. Un beau film, comme inscrit dans un temps suspendu.

Hors-saison

Mélodrame. De Stéphane Brizé. Avec Guillaume Canet, Alba Rohrwacher, Sharif Andoura.

cote: 4/5

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