Comment consacrer un film biographique à Mère Teresa, canonisée en 2016 pour son action caritative en faveur des plus démunis, sans verser dans l’hagiographie béate et un peu vaine ? Cet écueil, la réalisatrice macédonienne Teona Strugar Mitevska (L’homme le plus heureux du monde) l’a contourné en concentrant son propos sur une courte période charnière de son parcours, tout en s’attachant à la femme derrière l’icône. Mother (Noomi Rapace), on la découvre donc à Calcutta en 1948, alors qu’elle attend l’aval du pape pour quitter les soeurs de Lorette et fonder l’ordre des Missionnaires de la Charité. Soit sept journées fébriles pendant lesquelles elle prépare sa succession à la tête du couvent dont elle a la charge, moment où il apparaît que son héritière désignée, soeur Agnieszka (Sylvia Hoeks), un double fictif imaginé par la cinéaste, est enceinte, les certitudes de la Mère supérieure à l’autorité rigide et cassante s’en trouvant ébranlées…
S’intéressant à mère Teresa avant qu’elle ne devienne la sainte au sari blanc ourlé de bleu, Mother s’écarte résolument des canons du biopic classique. A quoi Teona Strugar Mitevska préfère un portrait contrasté, embrassant aussi bien la foi de la religieuse que les doutes qui l’assaillent; la représentant en figure féministe que n’épargnent pas plus les contradictions que les raideurs, sur l’avortement en particulier. Elle trouve dans cette entreprise une alliée de choix en Noomi Rapace, l’actrice de Millenium campant la mère supérieure avec un mélange d’énergie punk et de détermination sans faille. Le tout, auréolé d’une froideur que souligne une mise en scène à la rigueur toute géométrique, au risque parfois de l’affectation. Ce qui n’ôte cependant rien à l’intérêt et à l’audace de ce portrait inattendu…
Mother
Biopic de Teona Strugar Mitevska. Avec Noomi Rapace, Sylvia Hoeks, Nikola Ristanovski.