En 1959, Jean-Luc Godard (Guillaume Marbeck), plume acérée des Cahiers du Cinéma, est sur le point de se lancer dans la réalisation de son premier long métrage avec la bénédiction du producteur Georges de Beauregard (Bruno Dreyfürst). « Ils veulent la Nouvelle Vague, donnons leur un raz-de-marée », plastronne le néo-cinéaste au lendemain du triomphe des 400 coups, de son ami François Truffaut (Adrien Rouyard), à Cannes. Jean Seberg (Zoey Deutch), Jean-Paul Belmondo (Aubry Dullin) et l’équipe réunis, le tournage d’A bout de souffle peut débuter. La « méthode » de JLG déroute, lui qui décrète le premier jour, au bout de deux heures de travail : « C’est tout pour aujourd’hui. Je suis à court d’idées ». La suite sera du même tonneau, Seberg peinant à masquer son exaspération – « Is It Too Late to Quit », interroge-t-elle deux jours plus tard – et Beauregard son impatience. Godard n’en a cure, et l’aventure se poursuit, chaotique et rythmée par ses aphorismes genre « La réalité, c’est pas raccord ». Ses traits de génie aussi, le cinéaste bousculant les codes (et son producteur au besoin) pour imposer sa vision en toute liberté, aidé par le chef opérateur Raoul Coutard (Matthieu Penchinat). Attaché de presse du film, Richard Balducci (Pierre-François Garel) avait fanfaronné en amont du tournage « Je veux créer un mythe »; Godard fera mieux qu’accéder à son souhait, A bout de souffle révolutionnant le septième art, pas moins.
C’est cette aventure que retrace aujourd’hui l’excellent Richard Linklater (Boyhood, la trilogie des Before) dans Nouvelle Vague, s’attelant à une reconstitution du tournage de A bout de souffle dans un mouvement qui tient à la fois de l’hommage assumé et du geste créatif inspiré. Son film, le cinéaste cinéphile l’a voulu dans le style et l’esprit de celui de Godard, s’attachant à capturer l’instant dans un cadre 4/3 et un noir et blanc idoines, tout en imprimant à l’ensemble fougue, légèreté et enthousiasme; jusqu’au côté « muséal » de l’entreprise qui trouve une forme ludique quand le réalisateur s’amuse à présenter, face caméra, la bande des Cahiers, convoquant Chabrol, Truffaut, Rohmer, Rivette, et ceux qui les entouraient. Si le film entretient le mythe Godard, il célèbre aussi le collectif, tout en saluant avec éclat l’effervescence créative de l’époque. Euphorisant !
Nouvelle Vague
Comédie cinéphile de Richard Linklater. Avec Guillaume Marbeck, Aubry Dullin, Zoey Deutch, Matthieu Penchinat..