L’ombre du vampire

Lily-Rose Depp et Emma Corrin © Aidan Monaghan / 2024 FOCUS FEATURES LLC

Se mesurer au Nosferatu de Murnau, chef-d’oeuvre absolu du muet sorti il y a un peu plus d’un siècle, le pari était ambitieux. Robert Eggers (The Witch, The Lighthouse) s’en acquitte avec brio, signant une oeuvre soutenant la comparaison avec l’original, tout en en proposant une relecture personnelle. Du conte gothique dérivé du Dracula de Bram Stoker, le réalisateur américain a respecté la trame. L’action débute ainsi en 1838 dans la petite ville allemande de Wisborg, lorsque Thomas Hutter (Nicholas Hoult), un jeune agent immobilier, est envoyé en Transylvanie pour conclure une transaction avec le mystérieux comte Orlok (Bill Skarsgard), en dépit des protestations véhémentes de sa femme, Ellen (Lily-Rose Depp). S’il débute sans histoire, le voyage change de nature à l’approche des Carpates et des ténèbres enneigées où est niché le château d’Orlok, l’attitude étrange de ce dernier achevant de plonger Hutter dans un abîme d’intranquillité tandis que son hôte manifeste un intérêt de plus en plus pressant pour son épouse, annonçant vouloir embarquer sans plus attendre pour Wisborg…

Robert Eggers raconte, dans sa note d’intention, avoir voulu retrouver l’essence de la figure du vampire, incarnation dans l’imaginaire populaire, de « la maladie, la mort et la lubricité dans sa forme la plus vile, brutale et implacable ». Et bien éloigné donc, du dandy trouble avec lequel il a fini par se confondre au gré des adaptations. Si Bill Skarsgard confère en effet au monstre une aura maléfique saisissante, Nosferatu est pourtant hanté avant tout par la présence de Ellen, la jeune femme, victime désignée du vampire et expiatoire d’une société patriarcale, étant le coeur d’un récit où convergent obsession et possession. Un rôle auquel Lily-Rose Depp apporte grâce éthérée – on pense inévitablement à Isabelle Adjani dans la version de Werner Herzog -, ambiguïté et complexité, signant une composition en lévitation tout simplement exceptionnelle. Eggers confirme pour sa part être un maître esthète de l’épouvante, renouant avec la poésie et la magie de l’expressionnisme allemand et du classique de Murnau qu’il cite parfois plan pour plan, pour inscrire les évolutions de ses personnages dans un écrin d’une livide splendeur. Spectral et romantique en diable, son Nosferatu touche au sublime.

Nosferatu

Film d’épouvante de Robert Eggers. Avec Lily-Rose Depp, Bill Skarsgard, Nicholas Hoult.

cote: 4/5

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