The Real Thing

Mutiny in Heaven : The Birthday Party

Ayant sévi de 1976 à 1983, The Birthday Party, non content de saluer les débuts de Nick Cave, devait laisser son empreinte abrasive sur la scène post punk d’alors, distillant son rock puissant et viscéral dans un mélange d’urgence et de sauvagerie relevées d’excès en tous genres. Autant d’éléments que réussit à restituer Mutiny in Heaven (titre emprunté à la dernière chanson enregistrée par le groupe avant son implosion), l’épatant documentaire que leur consacre le réalisateur australien Ian White. Si la trajectoire est somme toute classique, de l’éclosion au sein de la scène punk bourgeonnante de Melbourne à l’improbable ascension et jusqu’à l’inévitable descente, la manière l’est moins, où la témérité le dispute à l’intensité, tous les curseurs, drugs & rock’n’roll les premiers, poussés à fond. S’ensuit un itinéraire mouvementé que le film documente à l’aide de témoignages des principaux intéressés, d’anecdotes mais aussi de nombreuses archives, dont certaines inédites – Mick Harvey s’est largement impliqué dans le projet –, le tout lié par des séquences animées de l’auteur allemand Reinhard Kleist.

L’histoire, White la retrace par le menu, le film s’ouvrant du côté de St Kilda, après que quelques lycéens décident de former un groupe, baptisé Boys Next Door. La formation est d’abord fluctuante – le premier guitariste du groupe, John Cocivera est expédié par sa mère aux Etats-Unis, histoire de le soustraire à l’influence néfaste de Nick Cave, certes pas le moins allumé de la bande. Elle se stabilise bientôt autour de Cave, Harvey et du batteur Phill Calvert, rejoints dans un premier temps par le bassiste Tracy Pew, Stetson inamovible et déhanché suggestif ; un peu plus tard par le guitariste décharné Roland S. Howard, deux arrivées déterminantes pour le son du groupe. Extraits de concerts et autres, les documents retraçant leurs débuts tutoient l’abîme – « This is not for the Fragile », ironise Cave. Rien d’une pose en l’occurrence, leur musique, menaçante, sondant le chaos et la destruction – la vidéo ahurissante de Nick the Stripper, tournée quelques années plus tard dans une décharge de Melbourne en flammes avec les pensionnaires d’un hôpital psychiatrique pour figurants, en constitue un bon échantillon.

L’Australie trop étriquée, The Boys Next Door embarque pour Londres en 1980, changeant son nom en The Birthday Party au passage. L’effervescence punk est depuis longtemps retombée, leur quotidien se partage pour l’essentiel entre ennui, misère et dope avant que John Peel, puis 4AD ne les remarquent, The Friend Catcher leur valant une percée dans les charts indie. Le groupe a trouvé sa voix et un son inimitable, une reconnaissance plus large s’ensuit, qui les conduit notamment aux Etats-Unis pour une tournée mémorable : un mélange de défonce et de provoc vaut à leur premier concert new-yorkais d’être interrompu après 10 minutes ; le second en durera à peine le double, trop de violence et de folie, hors de contrôle. Dimensions que capturent les albums Prayers on Fire et Junkyard, jusqu’au-boutistes dans le déluge sonore comme le groupe l’était dans l’autodestruction, érigée au rang de performance artistique et d’horizon inéluctable. La fin est écrite en effet, héroïne et dissensions internes laissant The Birthday Party, désormais installé à Berlin, exsangue d’avoir été The Real Thing, le rock dans ce qu’il peut avoir de plus excitant, dangereux et sombre. Non sans paver la route de Nick Cave qui s’en ira fonder The Bad Seeds : de l’enfer à l’éternité, en somme.

Documentaire de Ian White. Avec Nick Cave, Phill Calvert, Mick Harvey, Rowland S. Howard, Tracy Pew.

Le site officiel du film

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