C’est un documentaire singulier que propose Gilles Perret avec La ferme des Bertrand, puisqu’il y retrace cinquante ans dans la vie d’une exploitation agricole à travers les paroles et les gestes de ceux qui s’y sont succédé. Trois temps, harmonieusement enlacés, donnent son cadre au film: 1972, quand la télévision vient filmer André, Jean et Jacques Bertrand, trois frères célibataires à la tête d’une exploitation laitière de Quincy, en Haute-Savoie. 1997, quand Perret leur consacre en voisin – il a grandi à 100 mètres de chez eux – son premier long métrage, Trois frères pour une vie, alors qu’ils s’apprêtent à transmettre la ferme familiale à leur neveu, Patrick, et à sa femme, Hélène. Et 2022, quand cette dernière se prépare à son tour à passer la main.
« C’est une réussite sur le plan économique, mais un échec sur le plan humain, puisqu’on n’a su faire que ça », observe André, un vrai personnage de cinéma, qui fait le lien entre les trois générations. Et le film raconte des vies de labeur et de sacrifices, mais aussi l’amour du travail bien fait, les évolutions techniques qui atténuent, dans une certaine mesure, la pénibilité des tâches – la traite est robotisée, l’alimentation du bétail automatisée -, le souci de la transmission accompagné du respect de la terre et l’environnement. Et jusqu’à une nature immuable alors que les hommes, comme le temps, passent… Lumineux, ces profils paysans composent une photographie sensible du monde rural et des enjeux auxquels il est confronté.
La ferme des Bertrand
Documentaire de Gilles Perret.