Le Joker et son ombre

Joaquin Phoenix

Déclinaison tout en noirceur du film de super-héros, Joker devait ajouter à la réussite artistique, consacrée par un Lion d’or à Venise, le triomphe au box-office, avec des recettes dépassant le milliard de dollars. Cinq ans après, en voici donc la suite attendue, un Folie à deux où le réalisateur Todd Phillips s’attache à prendre le contre-pied de l’original; quelque chose comme « Le Joker et son ombre », ainsi que suggéré par la séquence animée inaugurale, confiée à Sylvain Chomet. Arthur Fleck (Joaquin Phoenix), on le retrouve éteint, interné à l’asile d’Arkham où il attend le procès où il aura à répondre des crimes commis sous les traits du Joker. Quand, à la faveur d’un déplacement dans l’établissement, son regard croise celui de Lee Quinzel (Lady Gaga), pensionnaire suivant un programme de thérapie musicale, le coup de foudre est immédiat, entre les deux âmes soeurs débutant un ballet placé sous le signe de la folie (à deux)…

S’il faut reconnaître un mérite à Todd Phillips, c’est celui d’avoir su déjouer les attentes. Alors que Joker évoquait un Taxi Driver survolté en prise sur les angoisses contemporaines, Folie à deux délaisse le terrain du thriller pour se frotter à l’imaginaire du musical. Un pari gonflé pour un résultat modérément convaincant: se mesurant aux classiques du genre, le réalisateur balise le propos de nombreux numéros chantés et dansés, offrant à ses deux interprètes principaux un terrain de jeu à la mesure de leur talent, tout en témoignant d’un incontestable savoir-faire. La justesse de l’exécution et la qualité de la mise en scène ne peuvent toutefois masquer le manque d’enjeu comme de rythme de l’ensemble, Folie à deux s’en tenant, pour l’essentiel, à questionner mollement la personnalité d’Arthur Fleck/ le Joker – souffre-t-il ou non d’un trouble dissociatif de l’identité? -, sans se soucier d’y imprimer une véritable tension dramatique. S’ensuit un curieux film en creux, non dénué d’un certain panache dans son refus du formatage, mais n’en dispensant pas moins un sentiment de vacuité, un peu comme si l’entreprise de déconstruction du (anti)héros n’avait que trop bien réussi…

Joker: folie à deux

Drame/Musical de Todd Phillips. Avec Joaquin Phoenix, Lady Gaga, Brendan Gleeson.

cote: 2/5

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