La dernière séance

Lee Kang-sheng

Consacrant un cycle au « nouveau cinéma taïwanais », la plateforme Sooner a l’excellente idée d’exhumer, quelque vingt ans après sa sortie, l’étincelant Goodbye, Dragon Inn, chef-d’oeuvre de Tsai Ming-liang. L’auteur de Vive l’amour y pose sa caméra dans un cinéma de Taipei s’apprêtant à fermer définitivement ses portes après une ultime projection de L’auberge du dragon, classique wuxia de King Hu. Tandis qu’un touriste japonais venu s’abriter de la pluie battante rejoint les rares spectateurs dispersés dans l’immense salle, l’ouvreuse infirme s’aventure dans le dédale du cinéma, à la recherche du projectionniste qu’elle n’a jamais eu l’occasion de rencontrer, et avec qui elle aimerait partager son « fortune cake ». Le début d’un envoûtant ballet de solitudes, le cinéaste inscrivant dans un temps dilaté évolutions des personnages et circulation du désir.

Alliant étourdissante beauté formelle et minimalisme inspiré, Goodbye, Dragon Inn est une ode vibrante au cinéma et à un monde en passe de disparaître. Tsai Ming-liang y invite à une expérience sensorielle, jouant notamment avec maestria de l’étirement du temps, sentiment culminant lors d’un plan fixe souverain sur la salle désormais désertée, vaisseau fantôme prêt à se refermer sur ses souvenirs et ses mystères. Non sans avoir happé le spectateur dont l’esprit vagabonde comme dans un rêve, pour être bientôt envahi par les bouffées de mélancolie charriées par Can’t Let Go, de Yao Lee. Somptueux.

Goodbye, Dragon Inn

Drame de Tsai Ming-liang. Avec Chen Shiang-Chyi, Lee Kang-sheng. Disponible en VOD sur Sooner.

cote: 5/5

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