Changement de registre pour les frères Zoran et Ludovic Boukherma qui, après deux films de genre – l’épatant Teddy et le plus léger L’année du requin -, s’attèlent à l’adaptation de Leurs enfants après eux, roman à succès de Nicolas Mathieu, prix Goncourt 2018. Inscrite dans une bourgade de l’Est de la France laissée exsangue par la désindustrialisation, l’histoire traverse les années 90 avec arrêts sur quatre étés. Pour s’attacher plus particulièrement à Anthony (Paul Kircher), ado d’origine modeste que l’on découvre en 1992 lorsque, tuant le temps avec son cousin, il fait la connaissance de Stéphanie (Angelina Woreth). Le coup de foudre est immédiat, Anthony « empruntant » la moto de son père pour la rejoindre à une soirée dans une villa cossue. Simple péripétie si, la fête terminée, la précieuse bécane n’avait disparu, tout indiquant qu’elle a été fauchée par Hacine (Sayyid El Alami), un gamin d’une cité voisine…
Entre chronique sociale et récit d’apprentissage, la suite va emmêler ces adolescences à l’ombre écrasante des hauts-fourneaux. Prenant quelques libertés avec le roman de Nicolas Mathieu, dont ils resserrent notamment l’action sur la ville d’Heillange et sur Anthony, les frères Boukherma en restituent néanmoins la substance, la romance s’esquissant sur fond de paupérisation accélérée et de marasme généralisé, non sans être rattrapée par le déterminisme social. Derrière la chronique amoureuse, c’est aussi la fin d’un monde qui se joue, perspective que les réalisateurs infusent de lyrisme et de romanesque, filmant la France périphérique comme un décor de western où viendraient se fracasser les rêves et les illusions des personnages. Une réalité puissamment incarnée par un casting impeccable que Paul Kircher illumine de sa présence rêveuse et troublante, coeur battant d’une fresque portée par un souffle irrésistible. .
Leurs enfants après eux
Chronique de Ludovic et Zoran Boukherma. Avec Paul Kircher, Angelina Woreth, Sayyid El Alami, Gilles Lellouche.