« Il était une fois, dans un grand bois, un pauvre bûcheron et une pauvre bûcheronne… » C’est sur ces mots, énoncés par la voix de Jean-Louis Trintignant, que s’ouvre La plus précieuse des marchandises, la première incursion de Michel Hazanavicius dans le cinéma d’animation. Le réalisateur de The Artist y adapte le livre éponyme de Jean-Claude Grumberg, un conte bouleversant évoquant la Shoah tout en saluant les Justes. Le récit se déploie en Pologne, au coeur d’un hiver rigoureux, lorsque pauvre bûcheronne recueille un bébé jeté d’un convoi lancé vers les camps de la mort. Si pauvre bûcheron ne voit pas l’arrivée du nourrisson d’un bon oeil – « C’est un sans-coeur, on va nous coller au mur quand on le découvrira », observe-t-il, mû par la peur et l’ignorance -, il va se raviser petit à petit, le couple faisant bientôt bloc pour protéger l’enfant des nombreuses menaces alentour…
Aborder l’Holocauste dans un film d’animation constituait un pari audacieux. Michel Hazanavicius le relève haut la main, trouvant dans le médium la juste distance pour suggérer l’indicible, la fiction étant bientôt rattrapée par la réalité la plus sombre tandis que le trait, d’un classicisme épuré, se fige. Mais si l’horreur est bien présente, c’est vers la lumière et la vie que choisit de se tourner le réalisateur à travers l’histoire de ce couple de Justes. Un récit auquel la forme du conte confère une dimension intemporelle et universelle – les mots « juif » ou « Shoah » n’y sont jamais prononcés -, manière aussi d’en souligner la résonance contemporaine. Si la musique d’Alexandre Desplat surjoue quelque peu la dramatisation, La plus précieuse des marchandises n’en est pas moins une fable humaniste de toute beauté, un film délicat aussi émouvant que nécessaire…
La plus précieuse des marchandises
Film d’animation de Michel Hazanavicius. Avec les voix de Jean-Louis Trintignant, Dominique Blanc, Grégory Gadebois, Denis Podalydès.