Photographe documentaire, Cédric Gerbehaye a longtemps vécu rue de la Jonction, à Bruxelles, entouré des prisons de Forest, Saint-Gilles et Berkendael. Une proximité immédiate qui l’a incité à vouloir documenter la condition carcérale, s’attachant six ans durant, de 2016 à 2022, date de sa fermeture définitive, au quotidien des détenus comme du personnel pénitentiaire de la prison de Forest. Une réalité que le cinéaste embrasse dans un noir et blanc élégant, La Peine s’ouvrant dans la brume couleur muraille d’une matinée hivernale, histoire de mieux se pénétrer de la vétusté des lieux et ressentir le marasme qu’ils semblent appeler.
S’ensuit une plongée immersive dans l’univers carcéral, Cédric Gerbehaye s’abstenant de commentaire d’appoint, à quoi il préfère capter des morceaux de vie: détenu slammant, femmes s’occupant de leurs nourrissons dans la prison voisine de Berkendael, échanges de parloir, petites combines, crises ponctuelles, maton sur le départ, observations d’un directeur avisé – « le droit en prison est phagocyté par la prison pour se retourner contre le détenu. »… Une manière de coller à la dureté des conditions de détention et de travail dans les prisons. Et, partant, de cerner l’ennui, la solitude, la lassitude, mais aussi la solidarité, l’espoir et l’humanité qui suintent de ces murs. Soit un regard intime et pénétrant sur une réalité que la société préfère ne pas voir, déplaçant par exemple les lieux de détention vers la périphérie, comme dans le cas de la méga-prison de Haren ayant succédé à Forest. Et un système dont un détenu ne se fait faute de souligner la contradiction fondamentale consistant à « tenter de resocialiser des hommes et des femmes en les éloignant de la société. » Fort.
La Peine
Documentaire de Cédric Gerbehaye.