Au coeur des ténèbres

Shuri © 2023 SHINYA TSUKAMOTO / KAIJYU THEATER.

Cinéaste culte, chantre du cyberpunk nippon… : on ne présente plus Shinya Tsukamoto, auteur, depuis la fin des années 80, d’oeuvres aussi radicales et essentielles que Tetsuo, Tokyo Fist ou Bullet Ballet. Avec son dernier opus, L’ombre du feu, l’auteur ponctue une trilogie sur la guerre entamée il y a tout juste dix ans avec Fires on the Plain, qu’allait suivre cinq ans plus tard le drame de samouraïs Killing. Le récit est ancré dans les décombres d’une ville japonaise anonyme, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Et s’ouvre dans un bar miteux dont la tenancière, seule survivante de sa famille, est contrainte de se prostituer. Un cadre couleur ténèbres où vont bientôt s’incruster un gamin orphelin et chapardeur, ainsi qu’un jeune soldat démuni. Mais si l’improbable trio semble un temps pouvoir former une famille recomposée par-delà l’insondable tristesse, c’est pour être aussitôt rattrapé par les traumatismes de la guerre, la violence et la déshumanisation.

De ce canevas minimaliste, le réalisateur tire un drame hallucinant, débutant à la manière d’un huis-clos suffocant avant de basculer vers le road-movie horrifique, tandis que la narration s’attache plus particulièrement au destin de l’enfant – l’incroyable Oga Tsukao. Tsukamoto embrasse la réalité alentour à l’abri du moindre sentimentalisme, pour en livrer une vision d’une noirceur implacable, rendue plus saisissante encore par sa fulgurance plastique. Hanté par des personnages évoluant, hagards, dans les cendres d’un monde en décomposition, L’ombre du feu est une expérience de cinéma d’une force sidérante.

L’ombre du feu

Drame. De Shinya Tsukamoto. Avec Shuri, Oga Tsukao, Mirai Moriyama.

cote: 4/5

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