A l’origine du documentaire The Mother of All Lies, il y a un manque, celui ressenti par la réalisatrice Asmae El Moudir face à l’absence d’image de son enfance; tout au plus si elle en a conservé une, faite en cachette dans un studio de photo à l’occasion d’une fête de son quartier de Casablanca. De photo, il n’y en avait du reste aucune dans la maison, à l’exception d’un portrait de Hassan II. Mais à ses questions, sa grand-mère tyrannique oppose une fin de non-recevoir, le passé familial se déclinant de secret en mensonges. Afin de briser cette insupportable omerta, la cinéaste va alors imaginer un dispositif ingénieux, recréant avec l’aide de son père son quartier sous forme de maquette, des figurines en argile de chacun de ses proches rejouant leur histoire. Magie de la représentation: la parole se déploie, libérant des souvenirs jusque là soigneusement enfouis.
Deuxième long métrage de son autrice, The Mother of All Lies est un hybride fascinant, cousin des Filles d’Olfa, de Kaouther Ben Hania, par son dispositif de mise en abîme; proche aussi du cinéma de Rithy Panh, et de L’image manquante en particulier, par la forme adoptée et le recours à des miniatures. Un petit théâtre qu’Asmae El Moudir met au service d’un récit puissant, la narration glissant habilement de la mémoire familiale à celle du Maroc, des blessures intimes à la répression sanglante des émeutes du pain qui avaient secoué Casablanca en juin 1981. Pour un résultat d’une force peu banale, Oeil d’or du meilleur documentaire à Cannes l’an dernier.
The Mother of All Lies
Documentaire d’Asmae El Moudir.