En novembre 2015, les montagnes de Mghila, dans une région désolée du centre-ouest de la Tunisie, étaient le théâtre d’une tragédie, un jeune berger, Mabrouk Soltani, y étant sauvagement assassiné par des djihadistes qui allaient laisser la vie sauve à son cousin afin qu’il rapporte la tête de la victime à sa famille. Ces faits, qui avaient défrayé la chronique à l’époque, inspirent aujourd’hui à Lotfi Achour Les enfants rouges, un drame suffocant oscillant entre barbarie la plus sombre (laissée hors-champ) et poésie crépusculaire. Recréant le contexte de ces événements avec un évident souci de justesse, le réalisateur ouvre son film sur les échanges insouciants de deux adolescents, Nizar (Yassine Samouni), 16 ans, et son cadet de deux ans, Achraf (Ali Helali). L’horreur les rattrape dans la montagne laissant le second sidéré, somnambulant dans la rocaille un sac ensanglanté à la main et le fantôme de son ami à ses côtés; sonné et sommé de devoir annoncer l’inconcevable aux proches…
S’attachant au traumatisme vécu par le gamin et par sa petite communauté rurale, entre la mère (Latifa Gafsi) réclamant une sépulture digne pour son fils « en entier », et Rhama (Wided Dadebi), la jeune fille dont il était amoureux, Lotfi Achour donne à son film une coloration intime. Il parsème aussi son propos de touches oniriques, comme en contrepoint à une réalité âpre faite de terrorisme aveugle, de précarité, de colère et de sentiment d’abandon face à l’indifférence des autorités. Non sans inscrire son film dans un écrin naturel d’une stupéfiante beauté, manière de laisser malgré tout filtrer la lumière…
Les enfants rouges
Drame de Lotfi Achour. Avec Ali Helali, Wided Dadebi, Yassine Samouni.