Lanthimos, incisif

Aggeliki Papoulia et Mary Tsoni ©Yorgos Lanthimos

On ne présente plus Yorgos Lanthimos, figure de proue du cinéma d’auteur international, un artiste ayant son rond de serviette aussi bien à la Mostra de Venise, où Poor Things a remporté le Lion d’Or en 2023, qu’au festival de Cannes, où le pourtant un peu vain Kinds of Kindness valait le prix d’interprétation masculine à Jesse Plemons en mai dernier. Si ses films américains ont rendu le cinéaste grec incontournable, la ressortie dans une version restaurée 4K de Dogtooth (Canine), le titre qui le révélait à l’international en 2009, constitue une invitation irrésistible à remonter aux sources de son cinéma.

Quatre ans après Kinetta, son premier long, Lanthimos y jetait les bases de son oeuvre à venir, signant un huis clos aussi étrange que grinçant. En son coeur, une famille, banale en apparence: le père, industriel, la mère, femme au foyer, et leurs trois grands enfants, anonymes, installés dans une somptueuse villa perdue dans la campagne grecque. Et pour cause, les parents ayant décidé d’élever leur progéniture à l’abri de l’influence du monde extérieur. Une proposition à prendre à la lettre, les jeunes gens vivant dans un univers clôturé qu’ils ne pourront quitter qu’une fois une de leurs canines tombées. En attendant quoi ils évoluent dans une bulle où une carabine désigne « un magnifique oiseau blanc » et un zombie une petite fleur jaune, la seule intrusion de l’extérieur résidant dans les visites régulières de Christina, agent de sécurité dans l’usine du père, venue satisfaire les besoins sexuels du fils et négocier quelque faveur auprès de l’aînée des soeurs. Laquelle commence justement à se sentir à l’étroit dans le cocon familial…

Dogtooth est une oeuvre éminemment singulière, Lanthimos y opérant un détournement de la normalité avec une rigueur toute clinique, tout en laissant l’absurde et l’humour à froid généreusement infuser l’ensemble. Manière de mieux passer la société et certains de ses piliers, au premier rang desquels la famille et le patriarcat, au scalpel d’un regard acide et pénétrant. Pour un résultat d’une stimulante et radicale étrangeté, un film mordant et féroce, mais aussi intensément jubilatoire. A (re)voir !

Dogtooth (Canine)

Comédie grinçante de Yorgos Lanthimos. Avec Christos Stergioglu, Aggeliki Papoulia, Mary Tsoni.

cote: 4/5

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