Ayant dû quitter Kaboul, où elle était traductrice pour l’armée américaine, suite au retour au pouvoir des talibans, Donya (Anaita Wali Zada, épatante dans son premier rôle), la vingtaine insomniaque et solitaire, partage son temps entre la fabrique de « fortune cookies » de San Francisco où elle travaille, et Fremont, une cité-dortoir abritant une importante communauté de réfugiés afghans. Et de mener une existence en suspension, rythmée par les dîners avalés devant un soap dans une gargote du coin et ses visites chez le docteur Anthony (Gregg Turkington), un psy vaguement excentrique. Une routine bousculée lorsque son patron lui confie la rédaction des maximes porte-bonheur, la jeune femme décidant de s’en remettre au destin pour tenter de se réinventer après avoir écrit un message à la première personne…
Serti dans un noir et blanc inspiré et dans un format 4:3 donnant à partager l’isolement de sa protagoniste principale, Fremont est une petite perle indie, un film rappelant les premiers Jim Jarmusch comme le cinéma d’Aki Kaurismäki, inspirations du reste totalement assumées par son réalisateur, Babak Jalali. Le cinéaste anglo-iranien y embrasse l’expérience du déracinement et de l’exil sous un angle original, encadrant Donya d’une galerie de personnages bienveillants – on y croise notamment Jeremy Allen White en garagiste rêveur -, et éclairant de douceur et d’espoir sa marche incertaine vers un avenir encore à écrire. Pour livrer, tout en minimalisme laconique, un portrait intime dont la subtile et mélancolique beauté vrille le spectateur.
Fremont
Comédie dramatique de Babak Jalali. Avec Anaita Wali Zada, Jeremy Allen White, Gregg Turkington.