Révélé en 2005 par Sangre, Amat Escalante s’est imposé, au même titre que Carlos Reygadas (dont il a été l’assistant) ou Michel Franco, comme l’une des figures de proue d’une nouvelle génération de cinéastes mexicains, signant une poignée de films alliant puissance esthétique et radicalité du propos. Qualités présidant aujourd’hui à Perdidos en la noche, son cinquième long métrage, un thriller sinueux dont l’opacité semble faire écho à la noirceur de la réalité mexicaine qu’il explore.
L’action s’ouvre sur une scène choc lorsque, suite à une manifestation houleuse contre l’implantation d’une mine dans une petite ville du Mexique, Paloma Flores, une enseignante doublée d’une militante écologiste charismatique, est emmenée par la police, s’évaporant dans la nuit. Trois ans plus tard, Emiliano enquête à tâtons sur la disparition de sa mère, ses recherches le conduisant près d’une luxueuse villa en bordure d’un lac, résidence des Aldama, une famille nantie et dysfonctionnelle : Carmen, la mère, une actrice et chanteuse célèbre; Rigoberto, le père, un artiste contemporain provocateur; Monica, la fille, une influenceuse multipliant les mises en scène de son propre suicide. Sans oublier Bunuel, le chien. Ayant réussi à se faire engager comme homme à tout faire, l’adolescent va poursuivre ses investigations, s’aventurant en eaux troubles au risque de s’y noyer.
Moins frontal que son précédent Heli, Perdidos en la noche n’en trace pas moins le portrait glaçant d’une société mexicaine asphyxiée par la corruption et la violence, généralisées au point d’en apparaître banales, le tout sur arrière-plan de lutte des classes. S’il ne s’encombre pas toujours d’un grand souci de lisibilité, Amat Escalante livre un film aussi fascinant que malaisant, un thriller tout en tension sourde dans lequel on se laisse aspirer par sa mise en scène fluide; perdu dans la nuit, en compagnie de ses épatants jeunes comédiens, Juan Daniel Garcia Trevino et Ester Exposito.
Perdidos en la noche
Thriller de Amat Escalante. Avec Juan Daniel Garcia Trevino, Ester Exposito, Barbara Mori.