Premier long métrage de Felipe Galvez, Los Colonos revient sur une page méconnue de l’histoire chilienne, sondant le passé génocidaire du pays dans un geste esthétique d’une radicale beauté. Le récit s’ouvre en 1901, lorsque José Menéndez (Alfredo Castro), un riche propriétaire terrien, engage trois hommes, MacLennnan (Mark Stanley), un soldat britannique, Bill (Benjamin Westfall), un mercenaire texan, et Segundo (Camilo Arancibia), un jeune Indien métis, pour ouvrir une route vers l’Atlantique pour ses troupeaux de moutons – on le surnomme « le roi de l’or blanc ». A mesure qu’ils s’enfoncent dans l’immensité de paysages austères, le véritable objet de leur mission se précise : éliminer la population indigène, en l’occurrence les tribus d’Indiens Selk’nam venant à croiser leur route, au nom d’un intérêt économique supérieur. Et l’expédition meurtrière de progresser, ponctuée de massacres et de viols, Bill et MacLennan s’acquittant sans plus d’états d’âme de leur sanglant office devant un Segundo mutique mais n’en pensant de toute évidence pas moins.
A l’instar d’un Pablo Larrain faisant l’inventaire de la dictature de Pinochet dans une poignée de films mémorables, Felipe Galvez s’attache, dans Los Colonos, à un épisode négligé de l’histoire officielle chilienne, la construction de la nation dans le sang des populations autochtones. L’épopée qui s’ensuit est violente et cruelle. Optant pour une mise en scène discrètement immersive, le réalisateur réussit à lui donner des contours envoûtants, non sans tirer le meilleur parti des décors de la Patagonie, dont la fulgurante beauté enrobe ce western sombre et hanté d’une aura presque mythique. Une pépite.
Los colonos
Western. De Felipe Galvez. Avec Mark Stanley, Camilo Arancibia, Alfredo Castro.